La Chapelle St Luc 2015

Le temps plutôt clément et la programmation a priori alléchante laissaient présager une édition sympathique du Festival de La Chapelle St Luc, en banlieue troyenne, organisé comme tous les ans de façon impeccable et très professionnelle par le groupe Plug'n Play et baptisé cette année La Chapelle 70's Rock Night.

A peine arrivés (il faut dire que les zones commerciales autour de Troyes, peuplées de magasins d'usine, exercent une considérable attraction sur ces dames qui en profitent jusqu'à la dernière minute), quelques notes connues nous indiquent que les frères Aeschbach, les piliers de Natchez, étaient bel et bien partis pour honorer leur contrat malgré un contexte difficile. Et là, pas de problème : les deux frangins en duo acoustique, ça assure. Après avoir donné le coup d'envoi de ce festival, ils vont meubler à l'extérieur les changements de plateau de la scène principale à grand coups de reprises très réussies où nous pourrons voir défiler pour notre plus grand bonheur Lynyrd Skynyrd, Neil Young, Blackberry Smoke, America… Des standards la plupart du temps empruntés à leurs racines américaines, mais sans oublier quelques pépites britanniques. Nous en reparlerons…

En tous cas, grâce à cette mise en bouche appréciée, nous voilà d'emblée dans l'ambiance de ce festival bon enfant et convivial où on croise avec plaisir les têtes de quelques habitués de longue date.

Après quelques morceaux du duo, dont une savoureuse version de « Down South Jukin' » de Lynyrd Skynyrd, il faut donner sur la grande scène le coup d'envoi officiel du Festival, et lâcher la bride au premier groupe de la soirée, les Broken Fingaz de Dédé Dufour, le bassiste de Natchez, flanqué de son comparse Ben Proy pour former à nouveau une rythmique bien connue. Accompagnés de deux guitaristes et d'un chanteur, les lascars entament une prestation très énergique où on remarque la présence de leur chanteur Sylvain, qui occupe la scène de manière convaincante, et la justesse des chœurs d'Arno, le guitariste rythmique. Sur scène, le groupe semble tourner à plein régime avec une homogénéité remarquable si on considère que le groupe n'a pas deux ans d'existence, mais il n'est pas non plus constitué de néophytes et peut bien entendu bénéficier d'une rythmique soudée qui fait merveille. Quelques titres comme « Back in the city » installent le décor : on n'est pas là pour faire l'éloge du spleen ! Les titres se succèdent sans baisse d'intensité. Leur version du « Heroes » de Bowie sera plébiscitée par un public conquis. Passage réussi !

Après le petit détour dans le jardin pour une nouvelle rasade du duo Aeschbach, au tour de Plug'n Play d'investir les planches, et là, ceux qui viennent de loin peuvent découvrir le nouveau chanteur, Dominique Parigot, dont il semblerait que ce ne soit que le troisième concert avec le groupe. Pourtant, un spectateur non averti n'aurait pas décelé une intégration aussi récente, ce qui donne une idée de la performance. Difficile de réussir à la fois une organisation impeccable et une prestation scénique convaincante, pourtant Plug'n Play essaie chaque année, avec une certaine réussite, de relever le défi. Cette fois encore, l'expérience du groupe leur a permis d'assurer un show bien carré où nous avons pu retrouver les principaux titres de leur dernier album qui, rappelons-le, mérite d'être écouté avec une oreille attentive. Ces titres fonctionnent d'autant mieux que le groupe reste très soudé, propulsé par une rythmique toujours très performante où Julien Boisseau semble avoir définitivement trouvé sa place. Voilà qui facilite ainsi la tâche du nouveau chanteur. De son côté, celui-ci réussit à restituer le côté à la fois énergique et mélodique de morceaux efficaces qui vous restent vrillés dans le crâne. Que dire de plus ? Que le solo d'Eric Varache, le batteur, au contraire de beaucoup, reste un moment attendu et jamais ennuyeux, que le son bénéficie de l'appui et de l'expertise de longue date de Richie derrière sa table de mixage, et que la complicité et la complémentarité des guitaristes reste un des atouts du groupe. Bref, encore un très bon moment malgré la pression de la double casquette.

Après les albums et quelques vidéos sur Internet, une partie d'entre nous attendait avec intérêt la prestation de Gaëlle Buswel, et la longue jeune femme n'a pas mis longtemps à conquérir et même enthousiasmer le public. Avec beaucoup de bonne humeur et un naturel désarmant, Gaëlle Buswel s'est emparée de la scène pour nous faire vivre un magnifique concert à la fois entraînant et rempli de finesse et de sensibilité, soutenue par, là encore, une solide rythmique et surtout la guitare de Michaal Benjelloun qui vient décorer l'écrin musical dans lequel se pose la voix de la chanteuse-guitariste. Le set plein de punch mélange surtout blues et rock mais certains titres laissent aussi transparaître des influences country, soul et folk. Emporté par la personnalité solaire de Gaëlle, il tient tout à fait les promesses du splendide deuxième album « Back to the blue » paru l'an dernier. Ceux qui avaient été ravis par la prestation studio n'ont pu que constater que la scène valait le disque, et sans jamais renoncer à une certaine authenticité qui rend Gaëlle Buswel très sympathique au-delà d'un incontestable talent. Voilà une excellente surprise contribuant magnifiquement à la réussite de la soirée, et le public encore sous le choc a pu se rendre dans le jardin où très rapidement le duo acoustique s'est changé en quatuor, recevant le renfort de Ben à la Cajon Box Drum et de Julien Boisseau, toujours infatigable, à la basse. Puis Dédé s'est à son tour emparé de la basse et le quatuor, devenu quintet avec l'adjonction d'un tambourin, a continué à ravir les spectateurs avec quelques « stoneries » bien balancées.

Presque de quoi rater l'entrée en scène de Bob ? Non, quand même ! Accompagné de ses Bastards, Little Bob envoie immédiatement la sauce à sa façon, beaucoup plus « primaire » mais terriblement efficace. Le gang ne donne pas dans la dentelle mais se livre comme son leader avec beaucoup de générosité. L'harmonica démoniaque de Mickey Blow vient essayer d'ensorceler le public subjugué par l'impact d'un Little Bob qui se donne toujours à fond avec l'intense soutien de sa bande de tueurs de mièvreries. On n'est pas dans la variétoche, monsieur ! Comme disait Audiard pour son pote Lautner, « c'est du brutal » ! Brutal mais efficace, à condition d'avoir avec soi ses bouchons d'oreille… car ce n'est rien de dire que ça envoie du bois ! Little Bob montre qu'il n'a rien perdu de sa rage avec les années, sans se départir pour autant de ses manières de seigneur (saigneur ?) toujours proche du public et attentif à sa présence. Il vit pour ça, le Bob ! Il a besoin de la réponse du public qui ce soir-là lui était acquise. Comment résister d'ailleurs à un tel don de soi au rock'n roll ? Si vous n'avez jamais vu Little Bob sur scène et que vous vous piquez de rock'n roll, alors il faut vous dépêcher de combler cette lacune, vous ne le regretterez sûrement pas ! Pas de chichi, mais un uppercut délivré avec talent par un puncheur toujours remarquable malgré les années qui s'accumulent, une véritable performance au service de la musique et d'idées bien arrêtées et farouchement défendues. Comme pour tous les artistes présents à l'affiche de la soirée, et très souvent à la Fête de Plug'n Play, la sincérité et l'authenticité dominent, ça ne triche pas, et en ces temps d'arrivisme et de dents qui rayent le parquet, cela fait quelquefois beaucoup de bien d'entendre une musique qui sait montrer les crocs sans calcul ni concession !

Quand les lumières s'éteignent définitivement, on se rend compte qu'on vient encore de vivre une soirée formidable, et que l'on peut rentrer avec des souvenirs plein la tête. Encore quelques mots avec les artistes ou les quelques potes qui traînent pour prolonger un peu les bonnes vibrations et on repart à l'hôtel en espérant une nouvelle édition du Festival, l'an prochain.

Y. Philippot-Degand

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